Faire un bonsaï à partir d'un semis

Sep 20 / Patrice KARAKATSANIS - Alexis BOURAS

Voyons ici comment créer, de toute pièce, un bonsaï. C’est la méthode la plus libre en matière de créativité, une des moins coûteuses mais aussi la plus longue en fonction du projet et de l’espèce. De prime abord, cette méthode d’obtention semble la plus simple, et pourtant nous verrons qu’il existe plétor de techniques de transformation. Nous utiliserons un cas pratique, comme un fil rouge, donnant l’exemple d’un cas concret à suivre avec l’aide d’un Erable du Japon (Acer Palmatum - Momiji en japonais) que vous pouvez vous amuser à reproduire et expérimenter.

1. Les espèces et leurs taux de réussite

Toutes les espèces de végétaux, d’origine naturelle, donnent une graine. Qu'elle soit sous la forme d’une graine nue, pépin, noyau ou fruit sec, la graine est le résultat d’un accouplement entre deux plantes de la même espèce. Principalement produite par la pollinisation, la reproduction des végétaux est propre également à chaque espèce. Vient alors le mode de semis. Certains arbres ont préféré attirer les animaux pour semer leurs graines, et pour ce faire, ils créent des fruits, qui, une fois consommés, seront déféqués avec la graine, le plus souvent intacte, plus loin de l’arbre mère et ainsi avec une grande quantité de nutriments pour la pousse. Et si le fruit n’est pas mangé ? Il tombera, pourrira, et aura encore plus de nutriments à donner. D’autres ont opté pour une option plus impressionnante, donner des ailes à leurs graines. Comme les érables, les pins, ou encore les charmes, les graines ailées sont plus vouées à prendre leur “envole” par la force du vent et de la gravité. Atterrissant avec plus de souplesse, la graine a en revanche moins de chance de “survivre” à ses consommateurs, elles sont donc produites en plus grande quantité.

Les espèces que vous pouvez semer sont presque toutes réalisables. Seules les variétés produites par l’Homme peuvent ne pas produire de graines, comme le Clémentinier, obtenu par greffe par exemple. Renseignez-vous avant de vous lancer dans une chasse au trésor perdue d’avance.

Puis, une information des plus pratiques est le taux de réussite. En effet, une fois les graines trouvées, quelle quantité acheter ? Pour le Pin Blanc du Japon (Pinus Parviflora - Goyo Matsu en japonais) le taux de réussite est d’environ 40% en laboratoire, quand celle du Rosier Multiflore (Rosa Multiflora - Noibara en japonais) est d’environ 20% eb laboratoire (chiffres repris du site commercial Semences du Puy). Vous n’avez donc pas les mêmes besoins entre ces deux plantes. Acheter 10 graines de Rosier équivaudrait à prendre le risque de n'en voir germer que 2, voire aucune graines… en acheter 100 nous donne plutôt la chance d’en avoir jusqu’à 20 environ. Quitte à revendre, le risque financier reste faible, pourquoi se priver ?
Si vous observez bien la nature, tout ceci se produit en automne, début de l’hiver. Et si semer est imiter ce qui se passe dans la nature, mais en maîtrisant les espèces que l’on veut voir croître, il nous faut donc également imiter l’hiver.
Dans le cas de notre Erable du Japon, nous pouvons l’acheter en quantité moyenne, son taux de germination étant de 30% (source : Semences du Puy).

2. Stratification et temps de stratification

Comme vu, la stratification consiste en l’imitation de l’Hiver. Cette opération n’est pas nécessaire à toutes les espèces, renseignez vous au moment de l’achat des graines, ou sur un site spécialisé dans le cas où vous récoltez vous-même vos graines.

Dans le cas où elle est nécessaire, l’effet du froid humide prolongé active la graine qui réagira au contact de la chaleur en s’ouvrant pour faire sortir son germe. Toutes les graines n’ont pas le même besoin en temps de stratification. Une graine de Zelkova du Japon (Zelkova Serrata - Keyaki en japonais) a besoin de 2 à 3 mois, alors que la plupart des graines de rosiers demandent 2 mois de stratification chaude, et 9 mois de stratification froide! Il est donc primordial de s’organiser un minimum avant l’achat ou la récolte.


Comment réaliser cette fameuse stratification demanderiez-vous donc? La réponse est simple, comme vous voulez! Le principe est simple pour les deux stratifications, froide ou chaude : exposer la graine à une humidité constante et à bonne température. Plusieurs méthodes ayant déjà fait leurs preuves sont à noter cependant.


Pour une stratification chaude, comme froide, le stockage est exactement le même, seul le lieu d’exposition change : au réfrigérateur, ou à l’air libre dans la maison. Pour ce qui est du contenant, un sac de congélation, une boîte plastique alimentaire, ou autre qui puisse s’ouvrir et fermer facilement, quant au substrat : papier absorbant, sphaigne, sable de rivière, tout ce qui peut contenir les graines (et les retrouver facilement) tout en étant capable de conserver de l’eau. Au moment de la fermeture, faire le vide d’air de votre sachet, et dans le cas d’une boîte, ne pas hésiter à la laisser entrouverte. Surveillez fréquemment que le substrat ou contenant est toujours humide, et surveiller la sortie de germes.

Dans notre cas avec un Erable du Japon, prévoyez un trempage de 24h, et une stratification froide à 3-5°C de 3 à 4 mois avant un semis au printemps (Source : Semences du Puy). Si nous voulons semer mi-mai, pour nous prémunir contre les Saints de Glaces, la stratification doit être faite entre le 11 janvier et le 11 février.

3. Semis et conditions de culture

La première information à retenir est : tenez-vous prêts ! Préparez vos pots, substrats, supports en avance, car il n’est pas rare que vos graines se mettent à germer dans le réfrigérateur ! Alors, plutôt que de risquer de les perdre, il faudra semer !

Dans notre cas nous ne parleront pas du geste ancestral marquant la sédentarité de l’Homme, mais plutôt de la mise en place d’un petit nid douillet où tout doit être mis en place pour favoriser la croissance d’un futur arbre.


Et ici aussi, tout est dans la préférence. Pot en plastique ou en terre cuite? Bac de Semi ou pot individuel ? Substrat bonsaï ou terreau de semis? Le taux de réussite est subjectif à votre mise en place. Ce qui fait sortir et croître le germe, est le taux d’humidité et la température. Un pot en plastique noir peut être tout indiqué, mais en cas de nuit fraîche, trop fraîche, c’est la fonte assurée. Un pot en terre cuite a une plus grande inertie, poreux, il isole mieux, mais en cas de vent il peut aussi sécher plus vite, et en cas d'oubli, c’est la mort assurée. Tout dépend de vos habitudes et disponibilité.

Une serre peut être la bienvenue, elle protège vos petits du vent, des oiseaux, ou des fortes pluies. Tous ces choix vous incombent et n’ont pas trop d’incidences pour les futures étapes.

Petite astuces pour les amateurs de Mame, pour une mise en forme automatique, faites votre semi dans un pot large et pas trop profond, pot de culture japonais à bonsaï, barquette à viande percée en polystyrène, etc. et placez le pot ainsi préparé dans un collant, ou un filet de moustiquaire souple! Les semis, voulant pousser, se heurteront au voile ainsi monté et prendront des formes plus ou moins prononcée, jusqu’à ce que le collant cède, ou qu’il soit l’heure de replanter (ce procédé peut prendre 1 à 3 ans pour être efficace, et de préférence pour les feuillus).
Dans le cas de notre fil rouge avec un Erable du Japon, voyant quelques tiges et cotylédons passer à travers le sable de rivière dans le bac à légumes, vous décidez qu’il est temps. Votre pot de culture japonais n°6 acheté chez Ogarden Design est rempli d’akadama, fine granulométrie. Vous semez les graines intactes sous une couche égale à la taille des graines, et plantez délicatement les graines déjà germées avec le germe vers le bas, quasiment en surface.

4. Techniques spécifiques

A partir de maintenant, nous pouvons parler de techniques bonsaï! Vous avez des sujets qui ont pris. Félicitations, mais l’aventure commence ici, et maintenant! Vous devez, sans perdre un instant, décider de ce que vous allez faire de tel ou tel arbre! La question concerne surtout la taille des arbres envisagés : mame, shohin, chumono etc?


Pour les mame

La méthode du collant est intéressante pour ceux qui veulent préparer du style kengai (cascade), han-kengai (semi-cascade), moyogi etc. des arbres à motifs. Mais son inconvénient principal, est qu’elle nous prive du travail des racines dès les premiers temps. En revanche, si vous souhaitez marquer le motif vous même, ou créer des arbres par la taille, et sélection de bourgeons, ou encore créer des arbres de style Chokkan (droit formel), Hokidachi (balais), Neagari (racines nues), des styles et des arbres nécessitant des racines et/ou un nebari bien développé, vous allez pouvoir passer par la méthode la plus efficace pour les mame et quelques shohin : la bouture de semis.

Vous allez sûrement vous demander “quesaquo?” Le principe est simple : annuler le réflexe d'ancrage du plant au profit d’une pousse de racine radiales traçantes. Pour ce faire, la bonne période est celle ou vous avez deux paires de feuilles qui ont poussées au-dessus des cotylédons, avec la tige inférieure toujours rougeâtre, et pour les pins, vos premières aiguilles, avec toujours cette tige rougeâtre. Vous allez vous munir d’une lame de rasoir, désinfectée, d’un navet, betterave, grosse carotte, d’un pot remplis de Kanuma fine et d’une hormone de bouturage (optionnellement du fil de ligature pour accrocher les boutures au substrat dans le cas où vous n’auriez pas de serre, et éviter qu’un coup de vent de les arrache). Vous allez procéder comme suit : sur une tranche de votre racine comestible préférée, fraîchement coupée, vous allez couper votre plant environ 1 cm sous les cotylédons et les mettre à tremper dans votre eau solutionnée (Oxybéron, HB 101, etc.) Cette méthode vaut pour créer un nébari sans empêcher l’arbre de s’élever en hauteur, donc pour des mame de plus de 7,5 cm de hauteur, voir des shohin.


Pour faire plus petit, on peut seulement supprimer le pivot, conserver les racines existantes, et couper juste au-dessus des cotylédons. Ceci aura pour effet de créer votre première insertion de branche, ou division de tronc (donc pour des arbres de 2 à 10 cm de hauteur. C’est à vous de choisir, d'expérimenter.


Cette méthode en générale va avoir pour effet d'entamer le processus de création du nebari, mais aussi conditionner l’arbre à créer dès le départ des entre-noeuds courts, pour avoir des branches charpentières les moins espacées possibles.


Dans le cas de notre Erable du Japon, nous pouvons procéder à cette opération si nous souhaitons créer un mame de haute qualité en une dizaine d’années.

Pour les shohin

Le choix se veut moins pressant, la suppression de la racine pivot reste cependant conseillée, sauf dans le cas de mise en place d’un collant. Comme dans le cas des mame, la préparation d’un nebari doit être faite dès le début.

Si vous optez pour un shohin avec votre Érable du Japon, libre choix vous est fait, c’est à vous de décider


Pour les tailles supérieures

Il vous est possible de laisser la racine pivot dans le cas d’une plantation en pleine terre, placer tout de même une rondelle en métal autour, elle se sectionnera d’elle-même lorsque l’arbre aura pris en volume. Cette racine pivot peut, ne l’oublions pas, être remise en pot pour en créer un éventuel nouvel arbre, la racine fera alors office de tronc!

Pour les désireux de faire des arbres assez développés, il va bientôt être l’heure de mettre votre arbre en pleine terre pour 2 à 5 ans, mais avant ça, une mise en forme s’impose!


Général

Une autre méthode consiste, après la coupe de la racine pivot, à placer une pierre plate pour créer le futur nebari, bien plat, ou un carré de faience.


Pour la création de futurs neagari, la méthode de bouturage de semis, ou d’ablation peut donner suite à la plantation dans un tube pvc, lui même planté dans le substrat, pour créer des racines longues et souples, qui ne demanderont pas mieux qu’à être pliées, fusionnées, etc (pour les pins et les gardénia cette méthode est très intéressante).


Nombre de méthodes vous proposent de créer dès les premiers mois votre futur arbre, tout est question de goût et de choix. Quoi qu’il en soit, cet automne, pensez à engraisser, nous vous invitons donc à aller faire un tour sur l’article dédié!

5. Repiquage, première mise en forme

Nous somme au printemps suivant, celà fait un an que vous avez fait vos boutures de semis, supprimé vos racines pivot, ou tout simplement semé sans retoucher à vos petits. Pour certains, il est temps de mettre les mains dedans!


Pour les mame

Dans la méthode du collant, un an peut être suffisant pour imprimer le mouvement. Vous choisissez alors, au gonflement des bourgeons, de séparer vos arbres, et les mettre en pots individuels. Vous pouvez dès à présent les cultiver et appliquer les techniques propres à la mise en forme des bonsaï. Sélections de racines, mise en pots de culture peu profond si vous souhaitez limiter la pousse et favoriser le gonflement et la ramification (n°2, voit n°3) ou un pot étroit mais profond pour décider le diamètre du futur nebari tout en favorisant une pousse dynamique mais contrôlée. Une sélection de bourgeons peut être intéressante également!


Autre méthode pour les jeunes mame, pour des entre-noeuds extrêmement courts dès le départ, le pincement des bourgeons, couplé au retrait des hakama! Il s’agit de la “coque” qui formait le bourgeon : le bon moment : une paire de feuille s’ouvre, et vous voyez les future paires de feuilles former une petite boule, retirez la délicatement, et à l’aide d’une pince à épiler, retirez les hakama. Ceci aura pour effet de stopper net l’élongation de la tige, garantissant des entre-noeuds extrêmement courts pour une future ramification dense et serrée.


Pour les arbres plus grands

La mise en pot peut se vouloir plus “classique”, et la mise en terre, elle, peut partir pour 2 à 5 ans avant un retour en pot. Vous allez déjà pouvoir mettre votre arbre en forme, par la taille ou la ligature, mais pensez bien que votre arbre va grandir et grossir ! ne faites pas des courbes trop serrées pour les futurs arbres de 1,00 m !!! Pensez à l'échelle. Mais par-dessus tout, amusez-vous !

Quoi qu’il en soit, vous avez pu semer, réussir un semis, et pratiquer vos première techniques de bonsaï en SEULEMENT UN AN! Et si vous échouez, recommencez! Vous aurez toujours besoin de jeunes plants dans votre pratique bonsaï.

Empty space, drag to resize

Cet article vous a plu ? Ajoutez à un commentaire et partagez-le !

Contactez-nous si vous avez des questions ou des suggestions pour notre équipe

Prénom
NOM
Adresse mail
Votre message

Merci pour votre message !

Créé avec