Les rempotages. Le premier bol d’air ensoleillé à travailler nos arbres, les fleurs, les papillons, les oiseaux qui chantent… Oubliez cette image ! Le rempotage c’est la poussière, l’eau froide sur les mains, des salissures partout, des branches dans les yeux, le froid, le dos qui tire, bref, aujourd’hui, nous allons parler rempotages.
Le rempotage est une des techniques principales de la culture bonsaï. En effet, on ne peut pas y échapper (à moins de payer un professionnel pour le faire à notre place, ou avoir des amis généreux de leur temps et pratiquants également). Il se pratique d’un fois par an à une fois tous les 10 ans. Sa science n’est pas toujours exacte ou explicable, mais ses résultats sont plutôt connus, sur les espèces connues.
A quoi ça sert ? Quand le faire ? Avec quoi ? Comment ? Que faire avant et après ? Nous allons le découvrir ensemble dans cet artcle. Une fois de plus, je vous précise que les informations données sont à titre général, et qu’il est de bon ton de s’adapter à son climat. Nous ne parlerons ici que des espèces et périodes maîtrisées. Pour les espèces non énumérées ci-dessous, n’hésitez pas à poser vos questions aux personnes maîtrisant bien leur sujet, mettez toujours en doute vos sources, vérifiez-les, même pour cet article!
Système racinaire d'un genévrier Kishu
1. Pourquoi rempoter ?
Cette question est intéressante, ou du moins il faut s’y intéresser. Posez-vous toujours la question “pourquoi je dois faire ceci ou cela?” Sinon comment le faire efficacement? Nos arbres ont besoin d’être rempotés. Mais qu’est-ce qu’un rempotage? Pourquoi et comment le faire? Toutes ces questions se posent.
Le rempotage est l’action qui vise à sortir votre arbre de son pot, retirer entièrement ou en partie le substrat contenant ses racines, travailler les racines (sélection et taille), renouveler le substrat, et attacher le tout dans le même pot ou dans un nouveau. Grossomodo, c’est un rempotage.
Dans notre pratique, celà s'avère un peu plus délicat, précis et nécessite un peu plus d’organisation. Alors, commençons par le début.
Tout le monde le sait, les plantes poussent. Tout le monde pense le comprendre : les arbres poussent autant sur que sous la terre. J’ai perdu quelques personnes? Voyons tout celà en détail.
Exemple d'un système racinaire sur un Prunus Mume (abricotier du Japon)
Toute plante, quelle qu’elle soit, se développe. Et pour ce faire, elle a besoin de nutriments, d’eau. Sans rentrer dans le détail de la biologie végétale, ce rôle incombe aux racines. Ces racines vont alimenter donc l’arbre, parfois même une racine pour une branche. Il s’applique alors sur le développement une logique d’équivalence entre infra et superstructure. Autant de racines que de branches. Et cette logique vaut aussi bien pour la longueur, la quantité, la taille, la vigueur, tout.
Ainsi, si vous suivez bien, et je surveille, si on veut une ramification fine sur notre arbre, il nous faudra son équivalent sous terre. Et c’est une raison technique du rempotage, les racines ne vont pas se densifier et s'affiner naturellement toute seule dans le pot. De plus, cette densité étant idéalement au plus proche du tronc, celles-ci vont se développer, grossir et fusionner les unes avec les autres. Elles développeront également la base du tronc, le collet, que nous appelons dans notre domaine : le nebari. La première raison d'un rempotage est de permettre de former le nebari des arbres, additionné à d’autres techniques, et de gérer la densité des racines donc. Nous vous parlerons bientôt de la formation des nebari sur la plateforme.
Exemple d'un nebari sur un érable
Seconde raison, cette fois-ci plus relative à la culture, le renouvellement du substrat. Pourquoi? Comme nous le savons (ou pas), le substrat principalement utilisé en bonsaï est l’akadama, hors ce substrat se délite et participe à l'atrophie progressive des racines (c'est un effet désiré pour les bonsaï matures). Nous voulons cependant une bonne oxygénation des racines, un bon drainage, et de la rétention (de l'eau et des nutriments). Si le substrat se compacte, nous perdons les deux premières priorités. Il est donc nécessaire de renouveler régulièrement.
Troisième raison, sanitaire, ou d’adaptation. A titre informatif, il peut être nécessaire de pratiquer des rempotages pour des raisons d’urgences sanitaires, champignons, infestation d’animaux, que ce soit des insectes ou leurs larves, qui pourraient détériorer le racinaire, ou encore pour stopper un écoulement de sève... Nous nous intéresserons à ces cas spécifiques dans un article dédié.
Quatrième raison, l’exposition. Comme se plaît à le dire Alexandre ESCUDERO, les arbres sont plus à l’aise et mieux géré s’ils sont cultivés en pot de culture. Les pots de finitions sont plus propres à l’exposition, parfois même trop fragiles pour la culture. Ainsi, pour les besoins d’une exposition, il peut convenir de procéder à un rempotage pour adapter le pin racinaire à la poterie qui le recevra et composer ainsi son alliance arbre-pot.
Le repiquage, ainsi que la transplantation ne sont pas propres au rempotage. Bénins, à peine perçus par l’arbre, il s’agit plus d’un changement de pot, qu'un renouvellement du racinaire.
Tout ceci est plutôt simple à appréhender, nous savons pourquoi, les raisons sont peu nombreuses mais indispensables. Indispensable veut dire obligatoire dans notre passion commune. Donc il nous faut savoir maintenant Quand le faire.
Exemple de stagnation de l'eau - l'arbre a besoin d'être rempoté
2. Quand rempoter ?
Quand ? C’est la question la plus posée sur les réseaux, forums, ou événements. Quand ? La réponse peut être calendaire, ou saisonnière, sans pour autant être bonne ou exacte. La clef de la réussite de la quasi-totalité des travaux à faire sur nos arbres réside dans la période. Il nous incombe donc de la trouver, tous, et elle sera propre à nos lieux de culture. Parfois 10 km de différence peut donner deux dates de rempotage différentes de quelques jours à semaine!!! C’est pour cette raison que j’insiste une fois de plus sur l’adaptation des informations à vos contrées!
MAIS, une information est commune à tous, et pas assez utilisée à mon sens : l’observation. Que nous soyons le 1er Mars, ou le 15 Mai, la période de rempotage n’est pas qu’affaire de météo. Mais plus important, elle est affaire de stade d’éveil et de cycle végétal !
Déterminons alors ensemble quand rempoter n’importe quel arbre. Tout d’abord, il n’y a pas que le printemps qui compte!
La période idéale est censée être comprise dans la période de transition entre un sommeil végétatif et une période de pousse. Donc, si on prend cette information au pied de la lettre, celà nous donnerait : hiver/printemps, printemps/été, été/automne, et automne/hiver. Naturellement, ceci est à adapter au lieu de culture, et aux espèces, leur stade de végétation, etc. Il vous faut donc vous renseigner sur la famille de l’espèce que vous souhaitez rempoter. La période printanière vise à profiter des forces accumulées en automne pour passer l’hiver : la puissance régénératrice due à la forte vigueur des plantes à cette période est intéressante pour produire rapidement des racines. De plus, la chaleur suivant le printemps continuera de stimuler la pousse racinaire, l’arbre est ainsi motivé plus longtemps au renouvellement de ce que l’on aura coupé.
Etat des bourgeons d'un érable Shishigashira mi-février dans le sud-ouest en France
A contrario, certaines plantes ont une puissance de pousse racinaire tellement élevée qu’elles doivent être moins stimulée, ou sont plus simplement sensibles à des maladies fongiques dues à la chaleur et l’humidité (champignon, carcinome racinaire, etc.). Il conviendra plus à ces espèces un rempotage en période automnale.
Ainsi pour exemple, et en général bien entendu, nous rempotons les feuillus dans la période de transition hiver/printemps et automne/hiver, mais avec une préférence pour celle de l’automne/hiver pour les rosacées (cognassiers, pommiers, rosiers, etc.). Retenez une chose : il n’y a pas une période pour tous les arbres ! Et tous vos arbres ne sauraient être rempotés en même temps, le même jour si vous cherchez à cultiver au plus optimal.
Encore une fois, c’est l’observation qui vous donnera l’information. Pas ces quelques lignes, ni un propos donné au hasard ou un calendrier généraliste. Votre oeil seul peut vous le dire. Renseignez-vous sur la période idéale pour votre arbre, son espèce, puis suivez la méthode suivante si vous le souhaitez.
Système racinaire d'un Yamadori de pin Sylvestre - le bout des racines s'activent
Voyons comment faire :
1°) Période printanière
Il se pratique idéalement au moment où les bourgeons gonflent, juste avant l’éclosion et le débourrement. Selon les arbres et leur gestion durant l’hiver, cette période peut aller de début février à mai! Vous comprendrez donc mieux lorsque je dis qu’on ne peut pas écrire sur un calendrier “REMPOTAGE DES BEBES”. Ce serait plus un râteau qu’une fourchette à prévoir sur notre calendrier. Profitez-en pour prioriser et ordonner l’ordre des arbres à rempoter en fonction de l’état de leurs bourgeons.
2°) Période estivale
Oui, contre toute idée reçue, certaines plantes se rempotent lors du passage à l’été! Lesquels, et pourquoi me demanderiez-vous ? En fait presque tous ! Seulement, contrairement au Japon, notre été n’est pas réputé pour être la saison des pluies (hors Bretagne). Cette période vous demandera une hygrométrie élevée, une serre et un minimum de protection sont donc nécessaires. Le principe est de profiter d’un taux d’humidité élévé et une forte chaleur. Le taux d’enracinement est conséquent, et les plantes ayant une pousse racinaire faible et une sensibilité au froid s’en verront des plus ravies. Par exemple, c’est une période propice pour les azalées, les agrumes, les pins blancs, les genévriers parfois.
Dans le cadre d’un feuillu, il pourrait se pratiquer à la condition de faire une défoliation totale. C’est surtout utile pour la préparation d’une exposition en automne par exemple.
3°) Période automnale
Principalement, c’est la période pour les rosacées. Les plus sensibles aux maladies racinaires. Avec la baisse des températures et du temps d’ensoleillement, et l’hiver faisant suite, c’est la période idéale pour leur assurer une protection et une reprise en douceur. Certains pins, comme le pin noir, ou argrumes, ou érables également, supportent bien le rempotage à cette période. Il conviendra cependant de les protéger l’hiver pour éviter tout dommage dut au gel (le plus simple étant de les mettre en serre après le rempotage).
3. Le matériel nécessaire
De la place! Vous avez besoin de beaucoup de place en fait. D’abord, en fonction de votre arbre, si vous rempoter un mame en finition, ce sera différent d’un futur dai en plein développement…
De l’aération, car oui, le substrat est poussiéreux si on l’utilise sans le laver… et de la lumière!
Une table, une bassine ou bac pour récupérer l'ancien substrat si on veut le recycler, et un container pour vos déchets verts (on va couper des racines, peut-être des feuilles aussi, et on est tous un minimum écolos non?).
Un toit au dessus de la tête s’il pleut… De quoi arroser très abondamment : vous allez devoir “laver” votre travail et ainsi tasser le substrat, et ceci va vous demander pas mal d’eau en fonction de la taille de votre pot.
Un pot… oui, sinon ce ne serait pas un rempotage.
Du substrat, ou plus précisément LE substrat adapté à votre arbre et à la granulométrie adaptée à son stade de culture.
Exemple de substrat - mélange de pumice et d'akadama
Des outils comme une baguette (de préférence métallique comme les baguettes en INOX chez Ô Graden Design, disponibles ICI), ciseaux à racines (propres, aiguisés et désinfectés! C’est important et pourtant peu de pratiquant s’occupent de leurs outils, mais demandez-vous quelle serait votre réaction si on vous amputait d’une jambe avec des outils sales, pas aiguisés et remplis de microbes… pour l’arbre c’est la même chose).
Outils utiles pour réaliser un rempotage
Du fil pour attacher l’arbre au pot, du mastic cicatrisant à hormone pour protéger les grosses coupes. De l’eau pour accompagner votre matériel d’arrosage… et un arbre à rempoter, car oui, on veut rempoter.
4. Comment rempoter ?
Avant de commencer, il est plus facile, pratique, mais surtout agréable, de rempoter avec un substrat relativement sec, ou humide mais pas détrempé. Évitez d’arroser dans les 24 à 48h au préalable.
Faites votre mise en place, organisez-vous, préparez vos outils (j’insiste, propres, aiguisés, et désinfectés!), un pot propre, vos substrats, tamisés, triés, votre sphaigne, tout doit être accessible, disponible et trouvable facilement. Vous devez également préparer votre futur pot (pour peu que vous ayez prévu d’en changer), en plaçant les fils d’accroche et la grille de drainage. Une fois fait, pour pouvez dors et déjà installer votre couche de drainage au fond du pot. Et c’est parti!
1) Vérifiez que l’arbre n’est pas accroché au pot d’origine, si oui, coupez les fils d’accroche.
Découpe des fils de fixation sous le pot
2) Sortez l’arbre du pot. s’il sort facilement, c’est bien il est sorti. Si ça résiste, ne forcez pas! Sarclez la motte contre la paroie intérieure du pot avec votre baguette, parfois quelques coups tout autour pour “fatiguer” l’ancien substrat suffit. Tentez quelques va-et-vient latéraux, il vaut mieux quelques mouvements délicats que des coups secs qui risqueraient une casse de racine, du tronc, ou branche, ou même du pot… C’est parfois la première fois que vous voyez les racines de votre arbre, vous aurez peut-être des surprises, comme un tronc plus long que prévu, ou des trous dans la densité racinaire, d’où le conseil d’avoir tout prévu et préparé en avance, vous devez pouvoir réagir vite.
Basculement de l'arbre pour le retirer du pot
3) Si ça n’a pas déjà été fait, contrôlez l’état de votre racinaire, y’at-il des traces de pourrissement, des mycorhizes, infection, etc.
Système racinaire d'un érable buerger qui n'a pas été rempoté depuis 4 ans
4) Délicatement, avec votre baguette toujours, débarrassez vous de l’ancien substrat, en “peignant” la motte de l’intérieur vers l’extérieur, ce qui aura également pour effet de démêler le racinaire.
Taille grossière des racines pour dégrossir
5) Coupez, soignez, rognez les racines, plaies, ou traces à traiter, essuyez-les et séchez-les avant d’y appliquer un mastic. Pour le détail et la méthodologie de la taille racinaire, la sélections et autres méthodes, nous vous invitons à vous inscrire au cours dédié à ce sujet avec Alexandre ESCUDERO.
Sélection et taille précise des racines
6) Une fois votre arbre prêt, et votre pot également (grille de drainage et fil de fixation pour l'arbre), placez votre substrat en monticule dans le pot, et en quantité suffisante pour régler la hauteur de votre arbre. Corrigez autant que nécessaire. L’arbre se place en fonction de ce monticule. Une fois l’assurance de sa hauteur et de sa future inclinaison, appuyez le délicatement, avec quelques mouvements rotatifs, pour qu’il puisse tasser et laisser le substrat entrer entre les racines. Fixer l'arbre au pot grâce aux fils de fixation sur au moins 2 points.
Positionnement de l'arbre sur le monticule de substrat
7) Comblez ensuite avec du substrat, et en vous aidant de votre baguette, faites pénétrer les graines partout, qu’il n’y ait pas de poche d’air.
Tassement du substrat grâce à la baguette Chinoise
8) Placez une bonne couche de sphaigne tamisée sur le dessus et arrosez, encore encore et encore jusqu’à voir l’eau qui s’écoule par le trou de drainage, devenir aussi claire qu’en sortie de robinet.
Sphaigne tamisée qui sera placé sur le substrat
A partir de cet instant, votre arbre est rempoté !
Nous avons vu ici LA BASE de ce qu’est un rempotage, cependant pour aller plus loin, nous vous invitons à vous inscrire au cours dédié à ce sujet avec Alexandre ESCUDERO.
4. La gestion du rempotage
Après un tel travail, il faut protéger votre arbre des intempéries et par-dessus tout du vent! Toutes les vibrations, mouvements, ou chutes peuvent coûter très cher à votre arbre et à votre travail. Les radicelles qui vont se former dans les prochaines semaines sont extrêmement fragiles, les rompre toutes et régulièrement mènerait à un épuisement mortel pour la plante.
L’arrosage doit être surveillé également, ne pas laisser la motte sécher sévèrement dans le mois qui suit (d’où la couche de sphaigne)
L’idéal serait une serre aérée, qui chauffe, soit humide. Sinon, une exposition en plein soleil est le plus recommandé pour faire chauffer le pot, et protégé du vent pour maintenir une bonne humidité.
Pour conclure, il y a des généralités, mais elles ne sont pas toujours valables pour tous ni partout. Posez-vous les bonnes questions, vérifiez vos informations, et adaptez-vous. L’art du bonsaï peut se résumer en quelques verbes : s’adapter et observer, apprendre et agir.
Nous vous souhaitons de bons rempotages, et Faites Du Bonsaï!
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